jeudi 25 juillet 2013

HOMMAGE À BERNARD THÉVENET : « MERCI BERNARD ! »

De passage avec mon vélo sur les pentes de la station de Pra-Loup, dans les Alpes de Haute-Provence, de lointains souvenirs ont ressurgi… Récit!

ÇA S'EST PASSÉ LE 13 JUILLET 1975 !

Il y a des jours qui comptent dans la vie d'un homme ! Ce jour-là en est un ! Ce n'est pas un jour de grand bonheur comme on peut en vivre, par exemple, à l'occasion des étapes les plus importantes et positives de notre vie ou de celle de nos enfants. Mais c'est un de ces jours où tout se passe tellement bien que cela nous donne une grande confiance dans la vie, un de ces jours où l'on se sent profondément bien, tout simplement. Un de ces jours dont on ressent encore les bienfaits quand on y repense, plusieurs décennies plus tard !...

1975, c'est l'année de mes 20 ans. C'était l'époque où je pouvais rouler pendant une à deux heures dans un peloton à 40 km/h de moyenne, avec des pointes, sur le plat, au delà des 50 km/h... Plus longtemps, je ne tenais pas... Je n'étais probablement pas assez assidu aux entraînements pour tenir la distance ! Mais ce n'était déjà pas si mal !

Le vendredi 11 juillet 1975, j'avais décidé de me lancer dans un de ces défis que j'affectionne, me rendre en vélo de Chevilly-Larue, où j'habitais à l'époque, à la maison de campagne de mes parents, située après Chartres : 110 km à parcourir en solitaire. Avec un retour prévu le surlendemain, le dimanche 13 juillet, également en vélo et seul.

A l'aller, j'ai bénéficié d'une très belle journée, que certains auraient peut-être trouvée un peu chaude, mais moi, la chaleur, à condition qu'elle ne soit tout de même pas caniculaire, ça me fait du bien. J'ai encore aujourd'hui l'impression qu'elle booste mon énergie. Ne pouvant évidemment pas emprunter en vélo les portions d'autoroute de mon itinéraire habituel, j'ai dû m'arrêter à plusieurs reprises pour me repérer sur la carte. Au final, j'ai mis 4h15, arrêts compris, soit une moyenne proche des 26 km/h, moyenne évidemment plus élevée si on ne compte que le temps de pédalage… Mais à l'époque, je n'avais pas de compteur pour me donner une moyenne exacte excluant les arrêts. Et comme je ne me suis pas amusé à les chronométrer, je ne saurais être plus précis.

Pour le retour, deux jours plus tard, il faisait encore plus chaud, mais il y avait un vent assez soutenu, soufflant dans le bon sens ! Quand le vent s'occupe à la fois de la ventilation et de la propulsion, le cycliste est heureux ! Mais cette fois, une contrainte librement consentie m'imposa une pression supplémentaire ! En effet, je ne voulais à aucun prix manquer la retransmission télévisée de l'étape du jour sur le Tour de France. Cette étape, partie de Nice, se terminait par une arrivée au sommet, à Pra Loup. Nous n'avions pas de téléviseur à la maison de campagne... Et comme j'avais traîné toute la matinée, il ne restait qu'une seule solution pour ne pas louper le final de l'étape : rentrer à Chevilly en un temps record !

Au départ, plutôt que d'emprunter les petites routes tranquilles traversant la Beauce, j'ai choisi d'emprunter sur une dizaine de kilomètres l'autoroute en construction qui passait tout près de la maison de campagne de mes parents... Sur un bitume tout neuf et avec vent favorable, j'ai démarré sur un rythme élevé... Excellent pour se donner d'emblée le bon tempo, à condition de pouvoir tenir la distance. Aucun arrêt inutile cette fois-ci, car j'avais bien repéré l'itinéraire à l'aller... Les côtes, du côté d'Ablis ou de Saint-Arnoult-en-Yvelines furent avalées en gardant un rythme endiablé ! A Limours, je n'ai pas faibli... Encore quelques bosses, un final en ville avec quelques feux tricolores pour revenir sur Chevilly, et une arrivée après seulement 3h20 de trajet, pédalage et arrêts compris ! A l'issue de ce "contre-la-montre" d'une longueur digne des "grands-prix des nations" de légende remportés par Jacques Anquetil, je calculai rapidement ma moyenne : 33 km/h ! J'en suis encore impressionné quand j'y repense aujourd'hui... Mais ce jour-là, je ne m'attardai pas à savourer ma performance ! Vite ! J'allumai la télé !...

Fin d'étape à suspense!

Et là, grosse déception ! Merckx venait d'attaquer sur la fin du col d'Allos, et dans la descente, il avait réussi à distancer ses rivaux, notamment Bernard Thévenet dont j'étais supporter ! Malgré tout mon respect pour Eddy Merckx, j'étais, comme beaucoup à l'époque, un peu exaspéré par la voracité du cannibale, que j'espérais enfin voir battu dans le Tour de France ! De plus, si Merckx remportait ce Tour 75, il battait le record de cinq victoires dans le Tour, qu'il partageait avec Jacques Anquetil, ma première idole, celui qui m'a rendu accroc au vélo, supporter enthousiaste et pratiquant passionné !... Pas de ça, Eddy ! Il ne faut pas reléguer l'idole de mon enfance au second plan !

Merckx en difficulté

Eddy m'a entendu : il a coincé dans la montée sur Pra Loup ! Bernard m'a entendu : il a grignoté seconde par seconde, reprenant d'abord Eddy Merckx puis Felice Gimondi, avant de faire coup double : victoire d'étape et maillot jaune! Un maillot jaune qu'il a conservé jusqu'à la victoire finale à Paris.

Au classement de l'étape, Thévenet devança dans cet ordre : Gimondi, Zootemelk, Van Impe et Merckx! Les initiés remarqueront que le Bourguignon, ce jour-là, a dominé quatre autres vainqueurs du Tour! Ils représentent dix Grandes Boucles à eux cinq! Excusez du peu!

Thévenet au sommet de son art! 

Ai-je besoin de dire l'émotion que j'ai ressentie ? Depuis, j'ai toujours conservé une sympathie particulière pour Bernard Thévenet. Un peu comme s'il incarnait l'un de ces justiciers qui, à l'issue d'un scénario palpitant, finissent par faire triompher le bien ! Sauf que là, ça se passait dans la vraie vie ! Et que je pouvais me dire, sans passer pour un doux rêveur, que les "happy ends", ça n'existe pas que dans les comédies romantiques et les séries policières... Quand on fait du vélo et qu'on se lance dans des défis tels que les doublés longues distances (le lien redirige vers mon article), les Cinglés du Ventoux (idem) et autres descentes nocturnes en VTT (idem), on n'a aucune chance d'aller au bout si on ne croit pas au "happy end"...


38 ans plus tard

En juillet 2013, j'ai eu l'occasion de pédaler sur ces hauts lieux de la légende du Tour!…

Le 22 juillet, j'ai grimpé le Col des Champs (2080 m) et le Col d'Allos (2250 m) dans le sens abordé lors de la 15e étape du Tour 1975 (voir mon article : la Classe Cycle des trois cols).

Trois jours plus tard, j'ai fait l'ascension vers la station de Pra Loup!

L'entrée de Pra-Loup

Ce n'était pas un pèlerinage, mais je suis très content d'avoir pédalé sur ces routes! Content aussi d'avoir redonné des couleurs à ce vieux souvenir, d'avoir mis des images personnelles et situé le décor d'un exploit qui m'a tant marqué !

Trente-huit ans après, j'ai toujours envie de dire : « Merci Bernard ! »

Claude
Photos Internet

LIENS :

➜ Résumé de l'étape sur Wikipédia.

2 commentaires:

  1. Egalement un grand FAN de Bernard Thévenet depuis les débuts pro en 70...

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    1. En 70, je me souviens de sa première victoire d'étape sur le Tour de France, dans les Pyrénées. L'arrivée était à La Mongie et je crois me souvenir qu'il faisait un temps pourri sur cette étape! Sa victoire m'avait beaucoup séduit. Mais de là à penser que c'était un futur double vainqueur du Tour!…

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