mardi 16 juin 2015

PARIS-BAYONNE 2015 : VIEUX RÊVES ET PYRÉNÉES

L'aventure "Paris-Bayonne" est terminée. Le moment est venu de dresser un premier bilan de cette expérience.

Ce qui domine, à cette heure, c'est la profonde satisfaction d'avoir réalisé quelques vieux rêves. Le plus vieux d'entre eux remonte à mon enfance, à l'époque où je me rendais en Espagne en famille. Nous traversions les Pyrénées — en voiture! — en passant par Oloron-Sainte-Marie puis le Col du Somport ou le Col du Pourtalet. J'avais une dizaine d'années et j'étais émerveillé par la beauté des paysages. Déjà, j'avais envie de faire du vélo dans ce décor magnifique, de grimper des cols dans les Pyrénées. Ce que je n'ai pas eu l'occasion de faire avant ce mois de juin 2015!

Col d'Aubisque : beauté du décor!

A l'époque, quand je suivais le Tour de France à la télé, les étapes des Pyrénées me séduisaient toujours davantage que celles des Alpes, montagnes que je ne connaissais pas en vrai. Et pour moi, les Pyrénées mythiques, c'était le Tourmalet bien sûr, mais aussi l'Aubisque, Soulor, Aspin, Peyresourde... et le Col de Menté!

Au Col du Tourmalet : col mythique et sommet de ce Paris-Bayonne

Le Col de Menté, c'est par lui que nous avons abordé la haute montagne sur ce Paris-Bayonne 2015, au cours de l'étape Auch - Bagnères-de-Luchon (176 km à l'arrivée). Tout un symbole car c'est un col qui, dans ma mémoire, est associé à une très vive émotion. C'était le 12 juillet 1971, au cours de la 14e étape du Tour de France, Revel - Luchon. Ce jour-là, Luis Ocaña chuta dans la descente détrempée du Col de Menté et fut contraint à l'abandon alors qu'il portait le maillot jaune.

Ocaña à terre dans la descente du Col de Menté, le 12/07/1971 (photo Internet)
Fervent supporter d'Ocaña, j'en ai pleuré devant ma télé! J'avais 16 ans et, 44 ans plus tard, comme par un fait exprès, je me suis retrouvé dans ce col sous un violent orage de grêle.

Orage sur Ger-de-Boutx, dans la montée du Col de Menté

Les grêlons qui claquent sur le casque, les grêlons qui craquent sous les roues, les grêlons qui font mal quand ils tombent sur les avant-bras... Avec éclairs et tonnerre par dessus le marché! Impressionnant!

Je me suis abrité quelques minutes sous un arbre, suivant l'exemple d'Alain, de Robert et de Babeth. A ce moment-là, j'ai senti monter en moi une détermination inattendue. Pas question de rester là plus longtemps et de me refroidir, pas question de monter dans un véhicule... Et pas question de demander l'avis de mes compagnons d'infortune. « Moi, je repars! », ai-je dit. Ce que j'ai fait aussitôt, imité peu après par mes trois camarades. La grêle avait cessé, mais nous avons fini la montée sous le déluge. Au sommet, plus de pluie mais la température n'était que de 7°.

Arrivée au Col de Menté
En attaquant la descente, celle-là même où Luis Ocaña était tombé, je me suis auto-convaincu, sans que ce soit réellement réfléchi : « Moi, je ne tomberai pas! » Un parfum de revanche? Allez savoir! Peu importe, du moment que ça mobilise énergie et vigilance.

Au sommet, Jean-Marc (membre de l'encadrement) nous a mis en garde : « La descente est très dangereuse. Il y a des coulées de boue et beaucoup de feuilles sur la route. Faites attention! »
Par endroits, même s'il ne pleuvait plus, des petits ruisseaux traversaient la chaussée. Ces conditions ont incité certains cyclos à une prudence extrême qui les faisait descendre au ralenti. Avec Alain, sans avoir l'impression de prendre des risques, nous en avons doublé pas mal. Pour ma part, tout en contrôlant ma vitesse et mes trajectoires, je n'avais pas envie de m'éterniser outre mesure dans cette longue descente de 10 km.

En arrivant en bas, à Saint-Béat, j'ai cru que mes jambes ne pourraient plus recommencer à tourner. Mes genoux semblaient congelés. Il a fallu les remettre en service tout doucement, non sans qu'il m'en reste quelques séquelles sous forme de douleurs intempestives les jours suivants. Mes genoux n'aiment pas du tout le froid!

Ça m'a servi de leçon. Dans les longues descentes des étapes suivantes, même sous la pluie battante (notamment Aspin, puis Tourmalet), même quand il fallait freiner en permanence, j'ai toujours pensé à faire tourner les jambes, ou à les solliciter d'une manière ou d'une autre, parfois en pédalant à l'envers, parfois en me dressant sur les pédales. J'ai aussi couvert mes genoux pour les maintenir un peu plus au chaud. Et ça a fonctionné.

Col d'Aspin : j'ai pensé à couvrir mes genoux...

Au final, j'ai grimpé la plupart des grands cols pyrénéens du Tour de France. A ceux précédemment cités, j'ajouterai le Port de Balès, un costaud comme son nom le suggère (beaucoup s'en sont fait la remarque dans le peloton!) ou encore Marie Blanque, enfin un col gravi sous le soleil.

Marie Blanque sous le soleil

Bien sûr, lors de cette suite d'étapes pyrénéennes, j'aurais préféré n'avoir que du beau temps. Mais bizarrement, les mauvaises conditions météo, je les ai prises comme une opportunité de vivre, à ma modeste échelle, un tout petit bout de la légende du Tour de France. L'expérience n'en fut que plus forte.

Mon arrivée au Col d'Aspin (photo Alain G.)

Le cadeau inattendu de ce Paris-Bayonne a aussi un rapport avec le Tour de France, ainsi qu'avec la montagne et les Pyrénées en particulier. J'ai eu la joie, un peu enfantine certes, c'est-à-dire profonde et sans réserve, de côtoyer un ancien cycliste professionnel, Raymond Martin. Dix Tours de France à son actif, 3e et premier français en 1980. Également meilleur grimpeur du Tour cette année-là, et vainqueur de la superbe étape Pau - Luchon (avec au menu Aubisque, Tourmalet, Aspin et Peyresourde!).

Podium du Tour de France 1980 : Joop Zoetemelk (vainqueur), Hennie Kuiper (2e) et Raymond Martin, avec le maillot à pois (photo Internet)

Raymond Martin fait partie de ces champions qui m'ont fait rêver dans ma jeunesse. Rouler à ses côtés, ce fut comme un complément énergétique naturel! Merci Raymond!

Claude
Photos : collection personnelle, sauf mention contraire. (Merci à ceux qui ont bien voulu effectuer les prises de vue des photos où j'apparais)

Avec Raymond Martin, au départ de l'étape Auch - Bagnères-de-Luchon.

2 commentaires:

  1. salut Claude,
    quel beau récit d'un des étapes Pyrénéennes que tu aura effectué lors de ce Paris-Bayonne !
    les conditions météos exécrables ont rendus le voyage d'autant plus mémorable.
    tu as pris de magnifique photos, j'adore celle avec la mer de nuage en haut du col d'Aspin !
    la montée du col de Menté sous la grêle...trop fort !
    encore bravo pour cette belle aventure à vélo

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    1. Merci Rémi. Comme tu vois, ma passion du vélo et de la montagne remonte à mon plus jeune âge!

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